Couleurs locales au Saguenay

Le fjord du Saguenay a attiré mon vélo jusqu’à lui et m’a ouvert les bras de ses rives, m’accueillant trois jours au cœur de ses émouvants paysages.

Cet article a d’abord paru dans l’excellent magazine Vélo Mag, édition juin 2022.
Vous trouverez aussi une vidéo produite pour la websérie de la Route verte au bas de l’article.


132 km des deux côtés du fjord, voir l’itinéraire sur Google Maps

Plusieurs milliers de cyclotouristes passent chaque année par le Saguenay… pour se rendre à la populaire Véloroute des Bleuets. Si ce circuit plat qui encercle le lac Saint-Jean charme les jeunes familles, le Saguenay et ses nombreuses côtes attirent quant à eux une clientèle généralement sportive, avide de montées et de descentes.

L’athlète Pierre Lavoie, rencontré sur ce parcours appelé Véloroute du Fjord du Saguenay, est l’un de ceux qui ont milité pour le développement de la Route verte dans la région. « Je voyais les cyclistes partir s’entraîner en France, en Espagne et en Italie. Maintenant, on peut le faire ici même des deux côtés du fjord ! » lance cet ambassadeur convaincu. Si la boucle complète qui croise la rivière Saguenay puis suit ses deux rives s’étire sur 330 km et grimpe de quelques milliers de mètres, j’ai pour ma part choisi un itinéraire modéré qui me fera également profiter de la facette maritime du fjord du Saguenay.

La modernisée zone portuaire de Chicoutimi (crédit Guillaume Milette)

De Saguenay à Saint-Fulgence

Accompagné de l’ami Guillaume, j’amorce cette boucle à la zone portuaire qu’est le Vieux-Port de Chicoutimi. Les lattes de bois du grand quai craquent sous nos roues alors que le vent riverain souffle doucement à nos oreilles. Nous empruntons rapidement le pont de Sainte-Anne, inauguré en 1933 et converti il y a déjà cinquante ans en traverse piétonne.

Nous rejoignons la route 172 et descendons le Saguenay sur une douzaine de kilomètres, jusqu’à la municipalité de Saint-Fulgence. Là, un sentier sur pilotis s’avance au milieu des battures, où se regroupent des oiseaux d’une impressionnante variété d’espèces.

Le vent remonte le Saguenay tandis qu’on le descend (crédit Guillaume Milette)

Kim Limoges est copropriétaire (avec sa soeur) de l’Auberge Aventure Rose des Vents à Sainte-Rose-du-Nord.

Sainte-Rose-du-Nord, la « perle du fjord » (crédit Guillaume Milette)

Montées de côtes et descente de rivière

Nous passons une partie des 30 km suivants à rouler en danseuse. Ces montées sont heureusement récompensées par de délectables descentes. Favorisez votre stabilité en répartissant bien le poids dans vos sacoches au préalable, particulièrement à l’avant, puis accrochez-vous à vos guidons !

Au bout d’un virage à droite suivi d’une autre magnifique descente, nous arrivons à Sainte-Rose-du-Nord. L’autoproclamée « perle du fjord » est sertie au creux de la vallée, les pieds dans l’eau. Nous y passons la nuit puis embarquons à 10 h le lendemain sur une des navettes maritimes du fjord. Nous longeons le parc national du Fjord-du-Saguenay, qui s’étend sur environ 100 km vers le sud. À quelques encablures du bateau, le roc de certaines falaises hautes de 350 m se jette à la verticale dans la rivière. En chemin, un guide nous raconte légendes et anecdotes, dont l’histoire de la statue de Notre-Dame-du-Saguenay ; la pièce de trois tonnes a dû être défaite en quatorze morceaux avant d’être hissée jusqu’au sommet du cap Trinité en 1881. L’opération dura huit jours !

Le port de l’Anse-Saint-Jean (crédit Guillaume Milette)

Pêche au saumon à l’Anse-Saint-Jean

Le traversier accoste au quai de L’Anse-Saint-Jean à temps pour le lunch. Le village et sa région sont si splendides, il serait bête de ne pas y prolonger notre séjour. Nous remarquons d’abord au cimetière les styles disparates de croix, qui marquent les époques des différents forgerons. Puis, aidés de vélos électriques et de Michel, pêcheur émérite des lieux, nous partons sur la piste des saumons en remontant la rivière Saint-Jean. « C’est une des activités exceptionnelles d’ici », affirme avec raison notre guide. Il élargit en même temps les mains de manière à nous donner un aperçu de sa plus grosse prise, qu’il a vite remise à l’eau, comme toutes les autres. C’est finalement à deux pas du village que nous repérerons avec joie une foule de saumons, presque immobiles et invisibles au milieu du courant.

UN DRAPEAU RÉGIONAL : Hissé pour la première fois en 1938 et aujourd’hui reconnu comme élément du patrimoine culturel québécois, le drapeau du Saguenay-Lac-Saint-jean représente la forêt, l’agriculture, l’industrie et les sacrifices de ses habitants.

À la recherche de saumons dans la rivière Saint-Jean avec Michel Ouellet, pêcheur émérite

En quittant l’anse le lendemain, Guillaume et moi gagnons la route 170 où nous sommes rapidement abordés par un employé de la voirie qui nous incite à nous reposer avant la prochaine côte. « Y en a une câlice qui s’en vient ! » prophétise-t-il. La sacrée montée nous gâte pendant 5 km avant d’être suivie d’une magistrale descente.

L’anse éponyme de l’Anse-Saint-Jean, un classique de fin de journée

La route 170, au sortir de l’Anse-Sainte-Jean (crédit Guillaume Milette)

Retour à Saguenay

Pierre Lavoie et moi, en bordure du fjord du Saguenay

Nous passons le lac Otis puis retrouvons la rivière Saguenay peu avant l’arrondissement de La Baie. C’est là que nous rencontrons Pierre Lavoie, en route vers son village natal de L’Anse-Saint-Jean. Un vélo électrique est installé derrière son camion coloré. Je suis surpris de ce moteur assisté, mais le grand Pierre m’aiguille presto. « Le vélo ne me donne de la puissance qu’en bas de 32 km/h, préciset-il avec son énergie caractéristique. Donc seulement dans une très longue côte ! » J’opine du casque, approbateur, sans oser lui dévoiler mes propres vitesses moyennes à vélo…

La multiplication des vélos électriques ces dernières années a le net avantage de filer un coup de pouce aux nombreux cyclistes amateurs de paysages. « Les côtes se montent un coup de pédale à la fois, poursuit Pierre Lavoie, encourageant. Et en haut, on a un point de vue ! » Selon l’instigateur du Grand Défi, les treize villages autour du fjord sont bien répartis, chacun ayant ses attraits. « On peut facilement prendre son temps et n’en visiter qu’un ou deux par jour », suggère-t-il avec enthousiasme.

En regagnant la ville de Saguenay, je me dis que si chacun des villages saguenéens a sa couleur distinctive, c’est aussi le cas des différents aspects du grandiose paysage de la région : en quelques jours à peine, nous avons été enveloppés du vert profond des forêts, du bleu lumineux de l’eau ainsi que des teintes de jaune des parois du majestueux fjord. Et surtout, ce sont ici les gens fiers, accueillants et généreux qui donnent sa véritable couleur au Saguenay.

Repères

Durée : 132 km en trois ou quatre jours.
Première journée : De Saguenay à Sainte-Rose-du-Nord (46 km). Google Maps.
Deuxième journée : Traversée en bateau et journée à L’Anse-Saint-Jean
Troisième journée : De L’Anse-Saint-Jean à Saguenay (86 km). Google Maps.
Dénivelé: 920 m

ACTIVITÉS

  • Non seulement les Navettes maritimes du fjord diminueront de beaucoup le nombre de kilomètres à pédaler, mais surtout, elles vous feront découvrir la rivière Saguenay selon une tout autre perspective, absolument sublime. Histoires incluses !
  • À Rivière-Éternité, sur la route 170, il est possible de faire un agréable détour par la baie Éternité et le camping homonyme de la Sépaq. « Un des plus beaux points de vue au Canada ! » selon Pierre Lavoie.
  • Si vous avez soif de légendes avant ou après votre vélo, Joseph Simard, de Tours aventure fjord et monde, propose des circuits en autobus qui complémentent parfaitement une sortie maritime.
  • Chez Vélo Fjord, à L’Anse-Saint-Jean, louez au souriant Graham Park un vélo électrique et partez explorer, cheveux au vent, les nombreux sentiers entourant le village.
  • Pour en savoir davantage sur toutes les activités du Grand Défi Pierre Lavoie.

OÙ MANGER

  • Casse-croûte aux portions généreuses, à l’admirable vue sur le Saguenay et aux employées affables, le restaurant Les 3G, installé au 100, rue du Quai, à Sainte-Rose-du-Nord, charme par sa simplicité et son ambiance.
  • Le ravissant village de L’Anse-Saint-Jean ne manque certainement pas de bons restaurants et bistrots. Parmi ceux-ci, j’ai spécialement apprécié mes visites au Café du quai et à la brasserie Chasse-Pinte, situés respectivement au 358A et 319 de la rue Saint-Jean-Baptiste.

OÙ DORMIR

  • Les sœurs Kim et Maude Limoges vous accueillent à l’Auberge Aventure Rose-des-Vents, sise au 136, rue du Quai, à Sainte-Rose-du-Nord. Que vous logiez en chambre ou en yourte, profitez des activités de kayak de mer et de pêche blanche, selon la saison.
  • Face au quai de L’Anse-Saint-Jean, les Chalets vacances sur le fjord, regroupés autour du 2, rue de l’Hermine, bureau 24, sont parfaits pour s’arrêter une ou plusieurs nuits.
  • Le Camping de l’Anse, au 325, rue Saint-Jean-Baptiste, à L’Anse-Saint-Jean, est un autre endroit où poser sa tente près de la rivière.

Le Bon monde de la Route verte est une websérie en 10 épisodes, que j’ai produite pour Vélo Québec. Tous les épisodes sont disponibles gratuitement ici.

 
Jonathan B. Roy

Auteur, journaliste, vidéaste et conférencier, Jonathan B. Roy raconte des histoires depuis 2016.

http://jonathanbroy.com
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