Être prêt à tout, est-ce nécessaire ?
Ce billet a d’abord été publié sur l’excellent blogue des magasins La Cordée.
En lisant les blogues de voyage pour me préparer à mon tour du monde à vélo, j’avais l’impression que je devais être capable de faire face seul à toutes les situations imaginables. Après la moitié du globe, je sais maintenant qu’il existe d’autres options que de tout traîner dans mes sacoches.
D’abord, qu’est-ce que ça veut dire « être prêt à tout » ? Je l’entends comme avoir le comprimé précis pour chacun des maux, le bon outil pour chaque réparation envisageable, et bien sûr l’équipement parfait qui ne brise jamais.
Mais en voyage de vélo, comme en sac à dos, chaque élément représente du poids supplémentaire à traîner. Comment savoir ce qui est vraiment nécessaire ?
Le vélo
Le vélo est forcément le morceau d’équipement principal, et aussi le plus lourd. J’ai choisi le Surly Disc Trucker, un vrai tracteur omniprésent parmi les cyclotouristes au long cours. Comme le véhicule agricole, le Surly peut supporter un poids plus qu’impressionnant, mais il est aussi horriblement lent. Son cadre d’acier offre le supposé avantage de pouvoir être réparé par soudure n’importe où dans le monde. Mais pour se rendre à cette extrémité, il faut maltraiter sa monture sur des routes accidentées pendant plusieurs années.
De l’autre côté du spectre technologique, j’ai rencontré au Japon un couple de sexagénaires canadiens qui en étaient rendus à plus de 25 000 km… sur des vélos en carbone chargé à bloc ! Et pas que sur des belles routes. Ils sont d’abord passés par le Mexique, l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud avant de traverser en Asie. La légèreté du carbone vient cependant avec l’inconvénient d’offrir moins d’attaches pour les supports à bagages. Le vélo plus performant est aussi beaucoup moins stable sur des routes de gravier. Mais le couple semblait apprécier fortement la rapidité supplémentaire qu’ils avaient sur les routes pavées.
Bref, il y a des avantages au tracteur tout comme au bolide de course. Que le cadre soit en acier ou en carbone, en aluminium ou en titane, j’ai compris que l’important est plutôt d’être confortable sur sa monture.
Une vis de mon support à bagages arrière a brisé dans cette route difficile du Tadjikistan. La réparation a été effectuée avec l’aide d’un bon samaritain.
Les réparations
Peu importe le vélo, il est plus que possible que l’aventurier ait à faire des réparations de bord de chemin. Savoir réparer et analyser la cause d’une crevaison est primordial avant de partir. Ceci dit, de bons pneus sont peut-être le meilleur investissement à faire. Je transporte une chambre à air et quelques rustines de rechange, mais pas de pneu complet. Je change généralement mes Schwalbe Marathon Mondial environ aux 10 000 km, mais certains cyclistes les roulent jusqu’au double.
Au niveau des roues, j’ai choisi des jantes à 36 rayons plutôt que la version régulière à 32. Ce petit plus a contribué au fait que j’ai encore tous mes rayons originaux. Je traîne néanmoins un petit outil depuis le début, dans un rare cas où je devrais enlever ma cassette pour pouvoir remplacer un rayon sur ma roue arrière.
Le choix des supports à bagages est à mon avis presque aussi important que celui des pneus. Les quelques grammes supplémentaires pour un modèle plus résistant sauveront bien des problèmes.
Quelques voyageurs zélés traînent notamment avec eux une patte de dérailleur de rechange. Je pense que c’est complètement inutile. Dans l’unique éventualité où ce morceau briserait, il serait plus que possible de pouvoir le remplacer à peu près n’importe où.
Équipement conseillé : Pneus Schwalbe Marathon et porte-bagages Tubus.
Cuisine et santé
Ma cuisine en photo au Tadjikistan.
Mon ensemble de cuisine est lui aussi assez restreint : un pot pour la cuisson et un petit bol me servant aussi de tasse. Et leur capacité à se replier en accordéon me sauve beaucoup d’espace. Mon brûleur est un modèle universel qui permet d’utiliser presque tous les types de combustible, du propane à l’essence liquide. Mais je crois que si c’était à recommencer, j’irais encore plus petit en achetant un modèle uniquement au propane. Après 34 pays dans 3 continents, rares sont les endroits où je ne pouvais en trouver. Puis, le gaz comprimé est inodore, plus propre, plus rapide à utiliser et pour chauffer. Il revient cependant à un peu cher que l’essence de station-service.
Mon sac de santé n’est pas plus imposant. Quelques sachets d’électrolytes, des pilules contre la diarrhée du voyageur, lorsque les immodium ne suffisent plus, et quelques pansements au cas où. Généralement, une pharmacie semblable à celle de la maison devrait être apportée. Vous pourriez ainsi apporter des produits contre les brûlements d’estomac, contre les allergies ou contre la douleur si vous en utilisez plus régulièrement.
Dans tous les cas, j’ai réalisé que beaucoup de voyageurs transportent trop de produits de santé et sont généralement assez heureux d’en donner pour se débarrasser d’un peu de poids. Chercher simplement dans l’auberge jeunesse la personne qui traîne un sac à dos de 85 litres !
Équipement conseillé : Casserole et bols pliants Sea to Summit
Aide extérieure
Ce qui m’amène justement à parler de l’aide extérieure. Je réussis à transporter moins de poids que la moyenne des cyclistes car je me fie sur l’aide des bons samaritains. Des autres touristes en auberges aux mécaniciens de campagne d’un peu partout. Et de mon côté aussi j’ai à de nombreuses reprises aidé mes compagnons cyclistes à qui il manquait des morceaux ou des connaissances en réparation. Même si l’on roule seul, on n’est jamais vraiment seul.
Une famille turque qui m’a accueilli à bras ouverts.
En compagnie de travailleurs de la voirie en Azerbaïdjan.
En fait, l’important n’est pas de tout apporter, ou au contraire de tout couper. Mais plutôt de trouver un équilibre qui nous convient entre le besoin et le luxe. Je choisis personnellement de transporter davantage de matériel électronique : une caméra avec plusieurs objectifs, un trépied, un ordinateur portable, un drone. Mais j’utilise aussi simplement un sac de vêtements comme oreiller.
Au moment d’écrire ces lignes, je viens tout juste de croiser au sud du Chili une jeune Tchèque dans la mi-vingtaine qui a décidé de troquer son pouce d’auto-stop contre l’achat d’un vélo et de sacoches. Elle n’a probablement pas tout ce dont elle a besoin avec elle, et loin d’avoir choisi tout le meilleur équipement. Mais un cœur d’aventurier réussit toujours à faire son chemin, peu importe ce qu’il traîne avec lui.
Je me trouve présentement au sud de l’Amérique du Sud. Je suis ici près d’Ushuaia, en Argentine.
Des rivières de plastique en Corée du Sud, des montagnes de bouteilles d’eau dans la pampa argentine et de longues bandelettes de papier de toilette jonchant ma route partout dans le monde. On prend tristement mal soin de notre belle planète.