Pourquoi je « shoote »
Je me fais parfois demander si en prenant des photos à travers mon écran de 2,5 pouces, je ne perds pas en même temps la chance de vivre le moment présent. Je crois cependant que c'est exactement le contraire qui se produit.
Mon bon ami San Franciscain, Dan - dans un excellent blogue* - écrivait même récemment à ce sujet. Beaucoup mieux que moi d'ailleurs.
« I’m convinced, however, that in the process of running away from the impermanence, we are losing something. We see the photo before we see the moment. This would make a good picture, we think, pulling out our camera. Through the act of framing a picture, our very experience of the moment is also framed. »
Tu vois mon Dan, je suis d'accord en partie avec toi. Je ne peux m'expliquer les oncles se promenant dans une église avec un iPad tenu à bout de bras pour prendre tous les détails de chaque statue et vitrail. Mais qui suis-je pour juger que mon plaisir à regarder mes photos est plus important que le sien?
Car du plaisir j'en ai. J'en ai quand je cherche des lumières et des ombres, quand je regarde le grand ensemble autant que les petits détails, quand je me décide sur une image et que je prends la photo. Quand je me lève tôt pour les premières lueurs, et quand je cours pour ne pas rater les dernières.
Parfois les photos sont voulues d'une façon spécifique. Je dois être à telle heure à tel emplacement. Il faut faire ses recherches et anticiper le moment et le shot. Malgré tout, le photographe demeure à la merci de la météo et chaque expérience sera différente.
Dan, le fait de regarder constamment autour de soi pour des photos permet de ressentir l'endroit où l'on est. Même à la maison, je vois des lueurs et des textures que je n'avais pas remarquées avant de découvrir le merveilleux monde de la caméra.
Ouvrir et installer un trépied est un geste symbolique et venant avec une certaine pression. Le paysage que j'ai en avant de moi est assez important pour que je m'arrête et que je lui fasse honneur.
Il ne s'agit donc pas simplement de regarder dans son petit écran, mais d'imaginer le monde encoreplus beau qu'il ne l'est déjà. Il s'agit de voir le résultat fini avant même que la photo ne soit prise.
Parfois les photos sont spécifiques, mais elles sont souvent aussi un cadeau. La beauté de l'appareil à lentille est qu'il est à la portée de tous. N'IMPORTE QUI peut prendre une photo. Réussir à transmettre ses émotions avec une image est un art et un exploit qui est beaucoup plus difficile à atteindre.
Peut-être est-ce pour cette raison que de saisir cet insaisissable est expliqué par des termes de chasseur, tel que tu l'écris, Dan.
« It’s worth noting that there’s something strange about the language we use for photography. Capture. Shoot. Take. »
C'est donc pour garder en tête ces émotions et pour être plus en contact avec la nature et les êtres que je me promène en chasseur, et que je shoot.
*Ayant rencontré Dan en Amérique du Sud et l'ayant vu à l’œuvre sur son blogue de voyage, il est en fait même mon inspiration pour ce modeste site web.